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A l’âge de onze ans, je rencontre mes deux professeurs de peinture, André Lauran et Véronique Véron, tous deux peintres de l’Ecole Lyonnaise. Accompagnés de André Cottavoz et Pierre Palué, ils créèrent le mouvement de peinture appelé “sanzisme” en 1947.
Ils ont également été des précurseurs dans l’intérêt qu’ils ont porté à la méditation qu’ils ont découvert à New York dés la fin de la guerre. Leur interprétation de la vie a eu un impact décisif sur leur manière d’enseigner le dessin et la peinture. Ils m’ont enseigné comment interpréter le monde avec des lignes et des couleurs, les questions à se poser dans notre relation aux choses. Ils m’ont également enseigné la magie de l’art, désigné pour montrer l’aspect illusoire de la réalité, l’impermanence de la lumière, l’interdépendance des couleurs. Tout un monde en soi, aux frontières de celui que nous côtoyons avec cependant la même considération pour le vide que pour la forme ; où la ligne séparatrice n’existe pas, seulement deux plans adjacents se confrontant ; où le concept est l’ennemi de l’artiste car il détourne de l’objectivité, . Cette philosophie guide nos perceptions vers une curiosité, vers davantage de questionnements que de réponses. C’est principalement cette vision des choses qui m’a plongé dans la peinture. Curiosité et questionnements : quel programme excitant pour entrer dans le monde de l’art ! Ensuite, j’ai découvert le bas-relief et la sculpture avec mes professeurs de la rue Madame à Paris, la plupart Grand Prix de Rome de la Villa Médicis. J’ai aussi appris la photographie et les techniques fondamentales des arts plastiques. Puis je suis reçu à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Paris où j’ai pu approfondir mes connaissances de la sculpture, tout en découvrant l’architecture en 1990. Ces différentes disciplines m’ont amené à me questionner sur la réalité même de nos perceptions et la source de celui qui perçoit. Le dernier outil, utile pour parfaire ces recherches, est apparu de lui-même comme une suite logique : la discipline de la méditation. D’abord l’étude des deux dimensions, des trois dimensions puis de l‘espace, une progression de plus en plus éthérée. Grâce à la rencontre d’un grand yogi, expert dans la connaissance de l’esprit, Lama Guendune Rinpotché, je me suis entrainé à la méditation. Quand la conscience mentale cesse de se focaliser sur le monde extérieur des concepts, le flot continu des pensées devient extrêmement intéressant. C’est une forme de création spontanée dont le créateur ne contrôle pas, dont l’inspiration est en perpétuel mouvement. J’ai très vite considéré cette discipline comme une extension de |
mes recherches artistiques. Dés l’obtention de mon diplôme des Arts Décoratifs, j’ai entamé une retraite fermée auprès de mon maître de méditation. Cette expérience a duré sept ans.
La méditation libère de toutes les tendances qui enferment la créativité, piège l’identité, culte du « je ». Elle simplifie la relation entre le pinceau et celui qui le guide. Mon professeur André Lauran disait souvent « Si vous ne savez plus comment faire évoluer votre peinture, laissez votre pinceau faire le travail, lui sait ! ». Cette vision de la peinture est bien sûr très proche de la culture japonaise et de la peinture chinoise. Dans ces traditions, la connaissance spirituelle du peintre est fondamentale car elle donne un accès direct et non pollué à l’objet à peindre. Le « je » disparaît au service de l’acte. Le paysage et sa retranscription sont libres d’intermédiaire et ne souffrent plus d’un interprète alourdi par des références conceptuelles. Si l’artiste retranscrit l’idée qu’il se fait d’un pied lorsqu’il peint le modèle, sans être présent au « vrai pied du modèle », il sera loin de la réalité. C’est en ce sens que la perception, lorsqu’elle est conceptuelle, est un danger pour l’artiste si toutefois il souhaite rester authentique et fidèle dans son observation. Aujourd’hui, je prends beaucoup de plaisir à peindre grâce à ces études qui m’ont libéré au lieu de m’enfermer. Je commence à peindre sans aucune idée particulière ou direction, sans concept à créer ou harmonie à construire. Je ne recherche pas la beauté et n’essaye pas d’échapper à la laideur. Cependant, la forme ou le concept finalement apparaissent. Le pinceau se ballade sur la feuille blanche. Le geste rapide ou posé selon le souffle, reflète l’humeur de l’esprit. Les couleurs s’installent, remplissent la surface blanche, la composition improvisée ébauche une histoire, alors j’harmonise, j’utilise les lois de la composition, je construis le tableau. Une fois l’harmonie obtenue, c’est un enfermement. L’image est figée, ce n’est pas ce que je cherche. Alors, je tourne la toile et déconstruis ; je continue mes recherches jusqu’à ce que l’image soit le fruit du hasard. Jusqu’à ce qu’elle surgisse d’elle-même, qu’elle invente quelque chose. C’est une magie qui ne peut venir de moi. Moins je suis présent dans la volonté de faire, plus le message est fort et authentique. Parfois, le miracle surgit, très vite l’image se montre dés le début du travail, sans effort. Mais la plupart du temps, c’est une lutte entre la construction et la deconstruction, entre l’espoir et le désespoir, jusqu’à l’obtention de la surprise. Lorsque l’image est complète, lorsque la magie a vaincu, l’image ne m’appartient plus. C’est une naissance, une nouvelle respiration. L’image est vivante, elle va se mouvoir sous l’oeil de son futur propriétaire. |